
S’il y a une arme où les héros ne manquent pas à commencer par le saint Patron, fils de famille et mort au combat Georges GUYNEMER, c’est bien l’armée de l’air. Naturellement il y a les héros aventuriers qui ont conquis la gloire en Russie, les hommes de Normandie-Niemen : Louis DELFINO, Joseph RISSO, Jean TULASNE et quelques autres. Mais il en est un, tout aussi courageux qui est resté dans l’ombre. C’est pour cela que je vous parle aujourd’hui d’un héros mort au combat : Max GUEDJ ;
Son père Félix est avocat. Juif tunisien, il acquiert la nationalité française en s’engageant dans l’armée en 1914. Après la Grande Guerre, il s’installe à Casablanca au Maroc où il devient un notable respecté, bâtonnier de l’ordre. Quand Max a seize ans, la famille s’installe à Paris, boulevard Haussmann. Après une excellente scolarité au lycée Janson de Sailly, il entame des études de droit.
En 1933, à 20 ans, il se rend en voyage d’étude à Berlin pour y découvrir l’embrigadement de la population et la haine antisémite. Le 15 octobre 1934 le voilà à Metz-Frescaty pour accomplir ses obligations militaires et le moins que l’on puisse dire c’est que pacifiste et antimilitariste il ne faisait aucun effort pour briller aux yeux de sa hiérarchie. C’est comme l’on s’en doute, sans aucun galon, compte tenu de son niveau d’étude qu’il quittera l’armée.
Rendu à la vie civile il s’avère être un brillant avocat ce qui lui permet de s’adonner à son sport favori : le pilotage. La guerre éclate et le voilà affecté au 21ème régiments des zouaves à Meknes.
Avant même sa démobilisation, son père l’incite à rejoindre le général de Gaulle à Londres. Le 30 août 1940 l’Etat français promulgue les premières lois antisémites et Max va immédiatement suivre les conseils paternels. Prétextant une plaidoirie à Tanger il s’embarque pour l’Angleterre et le 26 septembre 1940 s’engage dans les forces aériennes françaises. Le voilà dans une école de la RAF où il va reprendre sa formation à zéro. Il se retrouve le 18 août 1941 à l’Opérational Training Unit à Carfoss pour y être instruit sur Bristol Beaufighter » avec le grade de sous-lieutenant. Il y rencontre le flight Sergeant Charles Corder de quatre ans son cadet qui va devenir son ami. Au combat, en général, les pilotes font une passe sur l’objectif et disparaissent. Max fait toujours plusieurs passes pour être sûr de son fait. Après un séjour sur l’île de Malte, porte-avions incoulable il rentre en Angleterre et reprend ses vols de patrouille en mer du Nord. Il recevra la DFC pour son extrême volonté de voler et de se battre.
Quelques jours avant le débarquement en Afrique du Nord il apprend la mort de son père maltraité dans les prisons de Vichy, il en sera bouleversé.
Le dix mars 1943 il décolle pour une patrouille de routine et tombe sur un JU88 qu’il abat mais celui-ci a le temps de toucher le Beaufighter et de le blesser. Mal en point, notre ami va tenter de rejoindre sa base avec Corder son navigateur qui donne son maximum pour permettre le retour. Le moteur bâbord s’arrête, il s’enflamme et c’est de justesse qu’ils franchissent la falaise qui borde la base. Ce retour est considéré comme un exploit et il reçoit le 21 avril 1943, la prestigieuse Distinguished Service Order (DSO) à titre exceptionnel.
Au printemps 1944 à l’issue de 72 missions de guerre et de quelques mois de repos il prend en main sa nouvelle machine. Désormais c’est sur Mosquito qu’il va se distinguer. Il opère bientôt sur les côtes norvégiennes où il traque avec ses amis les dragueurs de mines et les petits chalutiers armés allemands. Le 6 décembre 1944 il est nommé wing commander (capitaine de frégate) mais c’est juste pour les Anglais, pour les forces françaises libres il est toujours commandant. Mais si l’on consulte son dossier militaire, comble d’ironie il est sous-lieutenant à titre définitif.
Mission après mission nous arrivons à la nuit du 15 janvier 1945. Les équipages sélectionnés pour la mission sont réveillés à 5 heures du matin, le briefing a lieu vers 09h00 et à 9 h 30 tous décollent sous la neige. Maurice dirige une des deux sections du Squadron 143. Ils arrivent à 11h00 sur la côte norvégienne au milieu d’une tempête de neige et atteignent le port de Leirvik à 11 :24. La D.C.A. se déchaîne alors pulvérisant des Mosquito. Max rompt le silence radio et lance « Target sighted » (objectif en vue. Et dans la foulée avec son inimitable accent français « Bordeaux leader, attack, attack, attack » il est 11h29.
Les canons des Mosquito et leur roquette font un carnage sur les bateaux allemands mais la flack est redoutable. Conformément aux ordres de Max, les Mosquito viennent sur bâbord se jetant dans la gueule du loup matérialisé par les Focke-Wulf 190A de la 9./JG 5 guidés par le Staffen-Kapitan Werner GAYKO, un chasseur expérimenté aux 12 victoires aériennes . La voix de Maurice se fait entendre « Bandits, get together everyone {Des bandits, rassemblez vous tous !]. Sa voix résonne encore {Help, help, help, I am heavely attaked [ à l’aide, à l’aide, à l’aide je suis fortement attaqué].
A 11h36 l’appareil de Max s’écrase en mer . Son ailier Ficht, lui revient de loin, très endommagé, c’est encadré par les Mosquito du Squadron qu’il se pose à Banff à 12h53.
La nouvelle de la disparition de Maurice GUEDJ est durement ressentie par le personnel de la base en particulier pour son ancien navigateur Charles CORDIER qui ne cessera de l’honorer jusqu’à sa mort survenue en 2005. Il donnera d’ailleurs le prénom de « Maurice » à son fils.
Pierre CLOSTERMANN fera connaître les exploits de Max dans son livre « les feux du ciel » où il lui consacre un chapitre. Pour la petite histoire cette gloire ne permit pas à sa famille de recouvrer ses biens qui lui avaient été confisqués par les autorités vichystes d’Afrique du nord dirigées par le bon Général GIRAUD qui ne fit rien pour abolir la législation antisémite de Vichy.
Néanmoins l’armée de l’air continue à porter sa mémoire et en 1973 la promotion de l’Ecole Militaire de l’air porte son nom.

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