La chronique historique « signée Donec » : La première dame

Aujourd’hui les filles, dans les nations civilisées, sont souvent les meilleures dans les facultés de médecine et sont incontournables à l’école de la Magistrature. Il y a quelques mois j’ai visité le « Charles de Gaulle » et surprise le patron du service détection, notre guide, était une jeune femme, brillante capitaine de corvette.

Il n’en a pas toujours été de même et pour se faire une place au soleil,  il y a soixante-dix ans,  il fallait une volonté d’acier car les mâles leur opposaient un mur de mépris infranchissable.

Pourtant un jour, dans l’armée de l’air il y eut une première femme pilote et c’était Claire Roman.

Qui s’en souvient, il y a 81 ans qu’elle a disparu !

Elle était née dans un milieu bourgeois aisé en 1906, jeune fille brillante, bachelière à 16 ans, elle part en Angleterre pour faire son apprentissage des langues puis s’inscrit en philosophie à la Sorbonne. En 1929 elle se marie avec Serge Roman, lieutenant au 31ème régiment d’infanterie, qui très affecté psychologiquement par la guerre de 14-18 se suicidera en 1932.

Bouleversée par cette tragédie, Claire quitte son milieu et s’engage comme infirmière de la Croix Rouge au Maroc. C’est pendant ce séjour qu’elle découvre l’aviation sur le terrain de Meknes. Le 26 novembre 1932 elle obtient son brevet de pilote ayant 26 heures de vol à son actif.

En septembre 1933, bonheur insigne, elle fait le convoyage d’un Caudron de Meknes à Paris. Elle rejoint Barcelone en  7 heures avec un ravitaillement à Tanger. Le lendemain, elle se pose à Lyon et le surlendemain à Paris. Elle est conquise.

Elle apprend à piloter diverses machines : Caudron C22, Morane Saulnier 230, Potez 43.1 mais aussi des Avro « Avian » ou « Cadet », des De Havilland « Push Moth ». Elle s’initie au vol de nuit et à la voltige avec Hélène Boucher. Le 17 mars 1936 elle passe avec succès son brevet de pilotage sans visibilité puis celui de pilote et navigateur de transport. Elle devient alors très expérimentée.

Cette fanatique (de l’aviation) décide alors d’un raid Le Bourget Pondichéry avec son amie Alix Lucas-Naudin. Ce raid s’effectue avec un Salmson « Phalène » de 135 ch équipé de réservoirs supplémentaires. Au retour de cet exploit, elle est fêtée par l’Aéro-club de France où Madame Blériot lui remet une plaquette commémorative.

En 1938 la situation internationale va changer la donne. Jusqu’à présent les femmes étaient exclues de la carrière militaire. Mais elles sont entêtées. Les pilotes féminines revendiquent de plus en plus haut et fort leurs compétences. Sans vouloir la chasse ou le transport lourd elles se veulent  estafettes, monitrices, convoyeuses, réceptionneuses où pilotes d’avions sanitaires. Ces appels sont entendus par le ministre de l’air  Guy la Chambre et quatre pilotes féminines sont intégrées dont Claire Romans.

En novembre 1939 un décret autorise enfin toute femme détentrice d’un brevet de pilote civil et de 300 heures de vol d’être affectée comme auxiliaire pilote de l’armée de l’air avec le grade de sous-lieutenant pour six mois ou plus. Notre amie titulaire de 749 heures de vol signe le 13 juin son acte d’engagement et devient la première femme pilote de l’armée de l’air.

Femme admirable, elle va trouver le moyen de transporter ses homologues masculins afin de leur permettre de récupérer des avions, d’être faite prisonnière et de s’évader.

Malheureusement dès l’armistice son corps est dissous et elle reprend ses activités d’infirmière de la Croix Rouge.

Le 4 août 1941 voulant rejoindre sa mère souffrante à Pau, elle embarque dans un Caudron « Goéland ». Le temps est exécrable, l’appareil vole trop bas et percute le pic d’Estable dans les Pyrénées. Elle avait 35 ans.

Suzy Mathis lui rendra dans la presse en 1946, un bel hommage : «  pilote remarquable, Claire Roman, coéquipière de Maryse Bastié, faisait partie du groupe des six ambassadrices volantes qui devaient avant la guerre, aller du Proche-Orient au cœur de l’Afrique, en  un grand raid de propagande aéronautique. D’origine alsacienne, Claire Roman était blonde et de taille moyenne. Jamais elle ne parlait d’elle ; cette jeune femme au visage triste et sérieux était une grande patriote à l’âme intrépide. »

La chronique historique « signée Donec » : L’Evêque de Nice

Le comté de Nice a vécu une guerre de 1940 en deux époques, celle de l’invasion italienne avec une mise à l’abri des Juifs par ces occupants humanistes (infiniment plus que les laudateurs du Maréchal). La seconde époque fut beaucoup moins drôle avec la main-mise d’une armée allemande très portée sur la solution finale.

Quelques visages d’humanité se distinguaient dans cette période noire et l’un des plus prestigieux fut Monseigneur Paul Rémond, évêque de Nice. En ces temps reculés, au début du XXème siècle les ecclésiastiques de haut rang représentaient une frange de la société absolument opposée à la République, réactionnaire et obscurantiste.

Monseigneur Rémond était d’une autre essence, natif du jura, docteur en théologie, nommé d’abord à Besançon, il s’y fait remarquer par ses qualités humaines et son talent oratoire. La grande guerre allait faire de lui un autre homme. A la tête d’une compagnie de mitrailleuses, il devint l’ecclésiastique le plus gradé de l’armée française. En 1921 la France occupe la rive droite du Rhin et un évêque doit être nommé sur ce territoire éphémère. Inutile de dire que ce poste est hautement politique, car il doit faire montre de qualités diplomatiques évidentes. Monseigneur Rémond, entraîneur d’hommes, alliait une connaissance de la langue allemande à un dynamisme et un patriotisme sans faille.

Etre aumônier général de l’armée du Rhin c’était nouer avec les autorités locales les liens les plus cordiaux possible.

Sa candidature est retenue par Aristide Briand.

En 1922, le Saint-Siège approuva la politique de la France menée en Rhénanie ce qui n’était pas une mince affaire. En 1930, à l’issue de cette occupation il est nommé évêque de Nice et y restera jusqu’à la fin de sa vie.

En 1940 il est submergé par la défaite mais il suit le Maréchal Pétain. Il ne se confond pas en idolâtrerie et refuse cet antisémitisme qui fait le sel de ce gouvernement de collaboration. Avec un ami juif, Moussa Abadie, il sauve d’une mort certaine plus de cinq cent enfants juifs aidé en cela par des autorités italiennes qui affrontaient souvent sur ce sujet l’administration française.

Inutile de dire qu’elle fut sa notoriété à la Libération !

Monseigneur Rémond alliait une réelle autorité, un humour désopilant et un républicanisme qui lui fit soutenir le général De Gaulle et sa cinquième République. Il était un homme de paix, un chrétien qui lui fit refuser aussi bien le totalitarisme marxiste que les excès d’un capitalisme débridé. Bien sûr il est nommé juste parmi les nations.

La chronique historique « signée Donec » : Ces Anglais sont impayables.

L’autre domaine en dehors de celui de la trahison où les Britanniques excellent c’est l’humour (sans doute pour mettre du liant à la trahison).

Pour preuve un article publié dans le Télégramme qui éclaire sur le comportement de ce peuple étonnant, sûr de lui et plutôt dominateur.

Il s’agissait, en 1933 de la révolution que fut pour les Anglais le changement des ordres de barre. Ces nouvelles dispositions concernaient la Royal Navy, les Royal Fleet Auxiliaries et la Marine marchande.

Dorénavant pour aller à droite on ferait mettre la barre à droite et pour aller à gauche on ferait mettre la barre à gauche. Une idée aussi simple était une véritable révolution ; les journaux d’Outre-Manche en parlèrent comme d’un événement prodigieux. Jusque-là les Anglais étaient restés fidèles en esprit à la barre franche, en dépit de tous les progrès, en dépit des circuits hydrauliques et des servo-moteurs. Pour aller à droite on feignait toujours de croire que le barreur avait entre les mains une barre franche et on lui ordonnait de la pousser vers la gauche. Moyennant quoi il obéissait scrupuleusement en tournant sa roue vers la droite. Ce système admirablement britannique durerait encore si les étrangers avaient eu le bon esprit de s’y conformer. Mais leur obstination à faire le contraire était la cause de tant d’accidents en pilotage de port que les Anglais ont fini par céder et par faire comme tout le monde.

Même avec le système le plus simple, nul n’est à l’abri cependant de confondre sa droite avec sa gauche. Un jour, sur un dragueur océanique qui chenalait dans le canal de Bizerte, le barreur se trompe de la sorte.

Après la confusion et le tumulte, le commandant tout ému s’écrie : « Ouf, j’ai eu chaud ! » Cinq minutes après, l’émotion étant un peu retombée, il se tourne vers l’officier de quart, et lui dit d’un ton paternel : « Nous avons eu chaud ! » Une heure plus tard, le calme tout à fait revenu, il lui dit enfin d’un ton sévère : « Vous avez eu chaud ! »  

La chronique historique « signée Donec » : Dieu que la guerre est jolie

l’Ukraine à deux pas de nos frontières montre le visage effrayant de la destruction organisée avec détermination. Quel est le comportement des troupes en campagne dans ces grandes plaines à blé ? Là, tout est permis et l’on peut compter sur la soldatesque russe pour s’en donner à cœur joie. D’autant que l’on ignore à peu près tout de l’efficacité de leur organisation et de leur encadrement.

Cet épisode que nous vivons m’a fait souvenir des exactions nombreuses et impunies commises par l’armée allemande. A n’en pas douter l’Ukraine vit les mêmes événements.

Nous sommes le  29 août 1944 dans la Meuse sur les bords de la Saulx dans les villages de Robert-Espagne, Couvonge, Beurey, Mogneville. Les armées allemandes se  débandent mais ont encore une solide capacité de nuisance.

Ce jour-là vers 9 heures plusieurs camions surchargés d’allemands pénètrent dans la propriété de monsieur Scherer maître des forges à Pont-sur-Saulx. Ils sont aux ordres d’un lieutenant, fouillent les  maisons, cherchent des maquisards et s’emparent de tout ce qui leur convient. Ils se font confectionner un plantureux repas. Puis le lieutenant fait rassembler la famille dans le salon et déclare qu’il a ordre de fusiller les hommes. Toute la journée, ces soldats en vert sillonnent la localité, pillent et volent tout ce qui peut l’être.

Vers midi la chasse à l’homme commence, garde-barrière, employés de la SNCF, gendarmes et même un garçon de 17 ans. Les « boches » pénètrent dans les maisons où les hommes ont commencé leur repas au prétexte qu’il y aurait un travail près de la gare. La nouvelle des arrestations  se répand dans le village et un certain nombre, avertis, parviennent à s’enfuir. D’ailleurs tous les Allemands n’ont pas la même attitude puisque certains incitent les habitants à disparaître sinon leur sort serait réglé.

Vers 13h30 nouvelle arrivée d’Allemands qui pénètrent dans une ferme, saccagent tout et mettent le feu. Sous la menace des mitraillettes, tous les hommes sont maintenant réunis. Les femmes aux fenêtres assistent impuissantes à la scène. Brusquement les mitrailleuses sont mises en batterie, crépitent et 49 français sont abattus. Dans la foulée les Boches incendient les maisons puis se dirigent  vers le château de Pont-sur-Saulx où avaient été apportés le produit des rapines pour faire bombance.

Ce village ne sera pas le seul à souffrir de la vindicte allemande, les autres localités de la vallée vont aussi subir la barbarie teutonne, maisons incendiées et hommes passés par les armes.

Puis ils disparaissent…

Le 31 août les Américains investissent une vallée où la population affolée se terrait dans les caves.

Cette tradition du crime de guerre est aujourd’hui perpétrée par l’armée russe dont la tactique s’apparente à la terre brûlée avec un faible pour les maternités, les écoles et les hôpitaux. Mais contrairement aux Français de 1940 le peuple  ukrainien ne s’en laisse pas compter et avec l’aide des Européens se bat rue par rue, maison par maison. Les Russes doivent être fous de rage et gare à celui (ou celle) qui tombe entre leurs mains. La destruction de Marioupol toujours habitée doit être atroce et n’a rien à envier à Brest, Coventry ou Dresde.

Mais rassurons-nous leurs exactions terminées les Russes comme les Allemands jadis rentreront au pays avec de glorieux souvenirs pour leur vieux jours.

La chronique historique « signée Donec » : Un juste parmi les nations

En 1940, le Portugal, pauvre pays jadis glorieux vit sous la férule d’un dictateur catholique : Salazar. Un personnage  cependant en opposition avec les thèses racistes chères à Berlin ou à Vichy.

Le Portugal dispose d’une représentation consulaire à Bordeaux avec Aristides de Souza Mendes. Qui est un aristocrate issu de la petite noblesse et confession catholique et d’opinion
conservatrice et monarchiste. Il fut auparavant en poste dans différents pays, il s’y est distingué par de multiples incidents et indélicatesses financières.

Quand la guerre éclate il est âgé de 55 ans. Père de quatorze enfants, la morale chrétienne lui sert de boussole ce qui ne l’empêche pas de filer le parfait amour avec une maîtresse dont il aura une petite fille en 1940.

On n’imagine pas aujourd’hui, calfeutrés dans notre bien-être bourgeois, ce qu’a pu être la débâcle. La ville de Bordeaux est assaillie par des milliers de réfugiés dont de nombreux juifs pourchassés par les nazis et qui rêvent de partir vers l’Amérique.

Salazar souhaite que son pays reste neutre et contrôle depuis Lisbonne l’obtention du moindre visa qui permettrait aux citoyens de pays sous le joug des Allemands de gagner les Etats-Unis. Pourtant dès la « drôle de guerre » en 1939 De Souza commence à délivrer les fameux visas. Il ne les délivre pas au compte-gouttes, mais à tour de bras. Le consulat devenant la plaque tournante de tous ceux qui veulent embarquer vers  l’Amérique.

Réprimandé par sa hiérarchie il déclare « S’il me faut désobéir je préfère que ce soit à un ordre des hommes qu’à un ordre de Dieu ». Il poursuivra son œuvre jusqu’au 23 juin sous l’œil médusé des fonctionnaires portugais chargés de le rapatrier de force.

Il faut savoir aussi que tout dictateur qu’il soit Salazar a hébergé la société d’aide aux migrants juifs.

De retour à Lisbonne notre consul est traduit devant un conseil de discipline mais Salazar se montre magnanime et bien que réprimandé, il touchera son salaire jusqu’à sa mort en 1954.


Le nombre de personnes sauvées par De Souza Mandes n’est pas très précis mais il est sans doute supérieur à 10 000. En 1966 il sera honoré du titre de « juste parmi les nations ».