La chronique historique « signée Donec » : Les filles prennent le pouvoir

Il y a quelques jours avait lieu la « journée du marin » dont l’objectif avoué est de susciter des vocations. Naturellement à cette occasion les préparations militaires marines ont le vent en poupe et sont à l’honneur. L’évènement avait lieu à Cannes où une goélette avait été affrétée. Un de mes amis a envoyé une photo des stagiaires prise sur le grand voilier. On voit trois pov’ matelots, entourés d’un escadron de huit » matelotes » conquérantes, preuve s’il en était que le pouvoir est en train de changer de main.

Il n’en a pas toujours été ainsi vers 1914 les filles étaient reléguées à des postes subalternes et sans avenir. Pour lever la tête hors de l’eau elles devaient être d’une trempe exceptionnelle à l’image de Nicole Girard-Mangin, médecin, maîtresse-femme et …suffragette.

D’origine meusiennne, Nicole MANGIN naît à Paris en 1878. A 18 ans elle entame des études de médecine et se marie deux ans plus tard avec André Girard négociant en vin fortuné. Elle travaille d’abord avec son mari mais en 1903, lasse de compter les bouteilles revient à la médecine.  Elle présente sa thèse sur les poisons cancéreux en 1906. En 1914 la voilà au dispensaire de Beaujon.

Quand la guerre éclate, elle ne barguigne pas avec le patriotisme et s’engage. L’armée qui pense avoir affaire à Gérard MANGIN l’envoie comme médecin-auxiliaire à l’hôpital de Bourbonne-les-Bains. Bien en peine de se trouver un uniforme, elle en confectionne un en s’inspirant des femmes médecins britanniques.

Voulant se rapprocher de l’action, elle permute avec un confrère et s’installe à Reims. Elle accomplit son sacerdoce avec rigueur, fermeté et une infinie compassion. Pourtant au début de l’année 1916 mutée à Vacherauville dans un hôpital de campagne à quelques kilomètres de Verdun rien ne lui sera épargné. Femme, on lui interdit l’accès de l’hôpital. Mais son autorité, son charisme, sa compétence ne se discutent pas. Elle se rend indispensable.

Le 21 février 1916, désemparée, elle assiste à la déroute française. Le 25 février l’évacuation est ordonnée, il reste 9 blessés intransportables, elle décide de rester avec eux. Pendant deux nuits, elle connaît l’angoisse avant de ramener quatre des plus atteints à Clermont-en-Argonne, avec son chauffeur. Au cours du détour par Sivry-la-Perche, elle est légèrement touchée par un fragment de mica. Elle parvient à déposer ses patients à Froidos et repart à Bar-le-Duc où sont encore les cinq autres, en pleine zone de combat. Pour ce fait d’armes, elle est promue médecin-major en 1916.

On lui confie alors la direction de l’hôpital-école Edith Cavell à Paris où sont formées les infirmières auxiliaires.

Après la guerre, la terrible épidémie de grippe espagnole se déclare faisant des victimes par milliers. Nicole Girard-Mangin est à nouveau à la manœuvre ferraillant avec l’administration pour donner le meilleur à ses malades.

Elle disparaît il y a juste un siècle, le 6 juin 1919 pour avoir absorbé une trop forte dose de médicaments dans des circonstances qui restent troubles.

La chronique historique « signée Donec » : Le drapeau rouge flotte sur Bergerac

L’Histoire est faite d’épopées dont l’imaginaire fait des mythes et qui finissent par enthousiasmer les enfants des écoles. Il existe aussi des pages étonnantes qui plongent rapidement dans l’oubli.

Prenons par exemple la présence des Soviétiques en France vers 1945, qui s’en souvient ?

Hervé Dupuy et Michel Lecat ont redécouvert un fonds de photographies laissé par un amateur, Robert Bondier qui relate, en photos, l’existence d’un camp soviétique près de Bergerac dans les six premiers mois de 1945.

Le dernier conflit mondial entraîna d’incroyables migrations de populations chassées, prisonnières et utilisées par l’armée allemande comme supplétifs ou esclaves. Les Russes y étaient en majorité. Ainsi à la fin de la guerre des milliers de Soviétiques hommes et femmes,  errent à travers la France. Ils sont bientôt regroupés dans des camps comme celui qui nous intéresse. Selon le ministère des affaires étrangères ils seraient près de 60 000.

S’ils sont abandonnés par les Allemands, les Français se refusent à les voir encombrer les casernes et leur destinent des camps de transit en attendant de les renvoyer  en Union Soviétique. L’installation est d’abord précaire mais avec l’aide de la population qui idéalise encore le génial « Maréchal Staline » et la « glorieuse l’Armée rouge » les choses se font tant bien que mal. On les occupe comme on peut et des rencontres sont organisées avec les bergeracois comme ce grand banquet qui réunit le 1er mai 1945 les Russes, la population bergeracoise et les autorités civiles et militaires.

Malheureusement nos Russes échappent à tout contrôle et leur comportement ne va pas tarder à déchaîner la colère de la population. Les autorités sont impuissantes devant la multiplication des agressions, des vols et des brutalités. Ils vont jusqu’à positionner un fusil mitrailleur à l’entrée de la caserne du 126ème RI à Brive et menacer de passer à l’attaque si leur égérie, la « princesse » Tamara Wolkonskaia, domiciliée à Rouffignac n’était pas libérée.

Pourquoi une telle mansuétude ? Les Russes détenaient un grand nombre de prisonniers français, des «  malgré-nous » et faisaient monter les enchères. Le gouvernement tenait absolument à conserver de bonnes relations avec la Russie. Nos Russes étaient intouchables.

Les meilleures choses ayant une fin, à l’été 1945 ils furent tous réexpédiés en URSS via l’Allemagne au grand soulagement des Bergeracois.

L’accueil qu’ils reçurent au pays des Soviets fut sans doute mitigé mais selon Hervé Dupuy, ils ne prirent pas tous les chemin du Goulag…

La Chronique Historique « signée Donec » : la Grèce en 1914

L’action se déroule en 1914 et nous conte l’histoire d’un enseigne de vaisseau qui embarque à la suite d’un naufrage sur un yacht anglais armé en guerre, une sorte de patrouilleur.
« Ce yacht était commandé par son propre propriétaire lieutenant commander RNVR (Royal Navy Volontary Reserve). Il y a en Angleterre, en temps de guerre, trois sortes d’officiers : RN (Royal Navy) officiers de carrière, RNVR comme le nôtre, et RNR (Royal Navy Reserve) provenant essentiellement de la Marine marchande.

Les officiers RN ont coutume de dire que les RN sont des marins et des gentlemen, les RNVR des gentlemen, et les RNR des marins, étant entendu que les seconds sont de piètres marins et les derniers des rustres.
Lui propriétaire d’un Yacht, était donc un marin, exception dans la RNVR et gentleman par droit de naissance. Tandis que moi, officier de la Marine marchande j’étais naturellement un rustre. Au surplus, tout ce qui n’arborait pas le pavillon britannique n’était que vermine de mer.

J’aurais pu feindre de ne pas entendre l’anglais, mais il parlait fort bien le français, le bougre, et il m’abreuvait d’anecdotes où la marine marchande en général et la Marine française en particulier n’avaient jamais un rôle très reluisant.

Par chance il m’abreuvait aussi de bon whisky personnel, qui lui était parfait, et sa table était très convenable.

Je me consolais en bavardant avec son second qui n’était pas anglais mais gallois, et RN, donc marin marchand comme moi, de sorte que nous sympathisions autour de son whisky, qui était loin de valoir celui de son commandant, mais on ne peut tout avoir n’est ce pas ?

A douze nœuds même en faisant des zig-zags, les milles défilent vite, et un matin le Flower of England (c’est ainsi qu’en toute simplicité s’appelait le yacht) arrive près de Corfou, sa destination.
Et, Ô surprise ! en grand’garde, je crus revoir mon vieux Robuste, miraculeusement ressuscité ! Ce n’était pas lui mais vraisemblablement son frère jumeau aussi vieillot, aussi rouillé, aussi misérable.

Seule différence il s’appelait Hercule.

Nous échangeâmes des signaux de reconnaissance, et quelques vociférations par porte-voix, et le yacht, toujours à douze nœuds, mit le cap sur l’entrée du port.

Il était tellement évident qu’aucun des deux n’avait compris ce que disait l’autre qu’une idée diabolique germa dans mon esprit.

« Vengeance, vengeance ! »

Je grimpai sur la passerelle et interpellai le commandant :

Vous avez entendu ce qu’il nous a dit ? »
Il m’a dit « Ouah, ouah, ouah ! comme on dit toujours dans un porte-voix.
Et qu’avez-vous répondu ?
J’ai répondu « Ouah, ouah, ouah » comme on répond toujours dans un porte-voix.
Oui ? Eh bien il vous a dit : « La passe est minée, suivez-moi ».

Malgré son flegme, il sursauta, et donna des ordres. Le Flower of England décrivit une courbe gracieuse, et vint prendre la ligne de file derrière l’Hercule.

Nous avions le vent debout, la fumée abondante et les escarbilles du patrouilleur nous empestaient, mais on n’y pouvait rien.

Le baronnet (ai-je dit qu’il était baronnet ?) était furieux. Moi j’étais ravi. Une heure et demie après (eh oui, à cinq nœuds !) nous étions mouillés à Corfou ;

Je fis mes adieux à mon hôte, le remerciai hypocritement, et m’en fus, avec mon équipage, me présenter aux autorités maritimes françaises.

Je fus bien accueilli, réconforté, habillé, logé, et l’on me dit que je serai « rapatrié » à Brindisi par la première occasion de mer, soit trois jours après. Jusque-là j’étais libre de mes mouvements.

Chacun sait que le marin, abandonné dans une ville inconnue, trouve miraculeusement le chemin le plus court pour le plus proche bistrot, havre naturel des abandonnés.

Trois minutes après, j’y étais.

Et là attablé sur la terrasse, en plein soleil, j’aperçus mon vieux camarade nantais Thomas, dit Muscadet.

Nous tombâmes dans les bras l’un de l’autre, et je lui narrai mon odyssée.

Et toi, que fais-tu ?
Moi je commande le patrouilleur comme ton ex, l’Hercule.

Comme le monde est petit ! Tout heureux, je me mis à raconter l’histoire de l’Anglais tyrannique et chauvin, et conclus :

J’ai raconté au British que tu avais crié dans ton porte voix « La passe est minée, suivez moi ! »

Thomas leva sur moi son œil bleu, et articulant bien dit posément : « C’est exactement ce que je lui ai dit ! »

La chronique historique « signée Donec » : Sacré Raspail

En 1972 Jean Raspail, explorateur, écrivain de talent, prophète à ces heures et sympathique en diable publie un roman, « le camp des saints » où des hordes hurlantes, puantes, vêtues de haillons et venues d’Extrême-Orient investissent nos belles côtes du Var. Le but est de mettre à mal notre civilisation millénaire.

Lui emboîtant le pas et voyant dans cet ouvrage la préfiguration de ce qui nous attend, quelques beaux esprits en ont fait leur credo et lancé l’idée du « grand remplacement » où notre France à l’image des ghettos des quartiers Nord de Marseille vivrait sous la férule d’imams auto-proclamés appliquant la charia.

Comment imaginer qu’une minorité fanatisée et passablement inculte puisse imposer sa loi contre l’avis de la majorité de la population et des structures de l’Etat ?
Ce phénomène s’était t-il déjà produit dans l’Histoire ?

La réponse est oui.

Les pays de l’Est en 1945 passent sous le joug soviétique et tous les cadres du pays sont destitués et remplacés par des hommes à eux, issus des meilleures universités. C’est d’ailleurs dans cet esprit que les communistes, vers 1935 avaient noyauté l’école polytechnique pour avoir sous la main de futurs cadres.

L’autre exemple c’est Israël. Le peuple juif balloté de pogroms en génocides décide après les terribles souffrances de la dernière guerre de faire de la Palestine son pays. Il s’y installe donc manu militari en 1947. Il balaye les anciennes structures en s’imposant face aux pays arabes voisins particulièrement belliqueux. Ils ne se sont pas montrés particulièrement tendres pour les « natives » qui au demeurant les haïssaient. Ce fut véritablement un « grand remplacement ».

Dans ces deux cas, ce ne sont pas des misérables qui ont investi le pays mais des cadres jeunes, dynamiques et très qualifiés. Imaginer que de pauvres hères pourraient parvenir au même résultat, est sans doute pousser le bouchon un peu loin.

En tout cas le livre de Raspail comme Barbe-Bleue ou le petit Poucet nous fait revivre adultes nos terreurs d’enfant…et c’est déjà très bien.

La chronique historique « signée Donec » : Genevoix au Panthéon, ce n’est pas trop tôt!

Les écrivains qui nous ont immergés dans l’enfer de 1914 sont nombreux et beaucoup le font avec réalisme et talent, pourtant trois dominent le débat de la tête et des épaules c’est Blaise Cendrars avec la « Main coupée », Louis Ferdinand Céline et son « Voyage au bout de la nuit » sans oublier Maurice Genevoix avec ses témoignages aux les titres suffisamment évocateurs « Sous Verdun », « Nuit de guerre », « au seuil des guitounes », « La boue » et « Les Eparges ».Les téléspectateurs « d’Apostrophe » ou les auditeurs de « Radioscopie » n’ont pas oublié la voix de ce vieux jeune homme dynamique. Avec lui nous partageons l’existence même des « bonhommes » dans cette expérience effroyable où l’élite de l’Europe a laissé la vie. Le texte est extrêmement précis et vivant et loue cette extraordinaire camaraderie des tranchées. Il nous livre un récit poignant de l’instant de sa grave blessure. Il souffre mais voit tout et décrit chacun des protagonistes qui se penchent sur lui. Il pense que sa fin est proche. Et il n’a pas envie de partir de quitter sa famille du front.

Deux jours plus tôt, sur le même champ de bataille c’est l’écrivain allemand Ernst Jünger, futur auteur « d’Orages d’acier » qui était blessé.

Genevoix était devenu auteur par la grâce d’Ernest Lavisse directeur de l’Ecole Normale Supérieure où il avait fait ses études. Celui-ci avait demandé à tous les normaliens de correspondre avec lui et de décrire ce qu’ils vivaient. Très vite, il avait découvert le talent de ce jeune homme sportif et facétieux. Il l’incitera ensuite à publier le texte de « Ceux de 14 ». Il signera la préface.

En 1934 Genevoix obtiendra le Goncourt pour un beau roman de nature et de braconnage « Raboliot ».
Aux Vernelles, face à la Loire Il construira son œuvre. Nous y retrouverons son amour de l’eau, des animaux, des arbres et des fleurs. Nous y voyons l’empreinte des épreuves mortifères subies pendant la guerre et une échappée vers son grand amour de la vie.